Je vous invite à lire les deux articles ci dessous. Ils tournent autour des mêmes questions.
Le premier vient de The Telegraph et il avance l’idée que ce sont les mauvaises décisions des gouvernants et des élites qui sont responsables du déclin occidental; et singulièrement des décisions imbéciles en matière de transition énergétique climatique.
Le second qui est un commentaire d’Arnaud Bertrand corrige en disant que c’est l’évolution impérialiste du système occidental et ses prétentions qui sont responsables de la désindustrialisation.
Arnaud Bertrand écrit « il se désindustrialise lui-même à cause de la cupidité, d’une géopolitique idéologique insensée et de l’orgueil ».
En fait ces deux points de vue recoupent la même idée, simplement l’une est superficielle elle se situe au niveau de ce qui apparait et est donc circonstancielle, tandis que l’autre est un peu plus abstraite et plus profonde, elle pointe le jeu de forces systémiques.
La cupidité c’est le besoin de profit tel qu’il se manifeste au niveau des individus et c’est le mode d’apparaitre de la Logique/Loi du système qui est une logique de profit maximum; la géopolitique c’est le besoin, l’engrenage de l’impérialisme pour continuer à drainer le profit face à l’Ogre de lAccumulation , l’orgueil c’est le sentiment subjectif qui est produit par tout cela chez ceux qui en sont les exécutants/profiteurs plus ou moins conscients.
Le système produit sa nécessité liée à l’accumulation et au besoin de profits.
L’ascension de la Chine est un moment Historique du capitalisme. Elle a été produite par le besoin de profit du système occidental.
Par la Necessité!
Cette nécessite a conduit à donner à la Chine les outils de son rattrapage et de son développement , lesquels outils grâce à l’expérience et à la théorisation faite par les autorités chinoises produisent dialectiquement le développement chinois et le déclin relatif des Etats Unis. Dans son appétit de profit l’Amérique a donné aux Chinois la corde pour se faire pendre comme disait Lénine.
Les forces fondamentales qui sont à l’œuvre dans tout ce qui est abordé ici, ces forces fondamentales se manifestent dans un exemple concret tel que la transition énergétique mais ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d ‘autres.
Quand à la question de la prétention et de l’orgueil des occidentaux , elle est surdéterminée, elle a pour origine l’absence de compréhension réelle des phénomènes, les individus occidentaux se croient supérieurs subjectivement alors qu’ils ne font que bénéficier d’un système qui les dépasse et auquel ils ne comprennent rien; le capitalisme.
Le capitalisme pour eux c’est l’évidence, c’est comme l’air qu’ils respirent, ils n’y comprennent rien. Plus vrai encore c’est comme l’eau des poissons rouges car il faut reconnaitre que l’intelligence moyenne occidentale est à peine supérieure à celle du fameux Poisson Rouge.
https://www.grasset.fr/livre/la-civilisation-du-poisson-rouge-9782246819295/
« Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d’attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
L’Occident au niveau de ses individus se surestime, il est suprématiste, il vit dans l’illusion de puissance, il est mystifié, son imaginaire ne lui permet plus de comprendre objectivement les situations. L’Occident ne comprend pas le système dans lequel il vit , il croit que ses réussites sont de son seul mérite. Par exemple il ne reconnait plus sa dette à l’égard des générations passées, il n’ a pas conscience du capital accumulé par les anciens qu’il pille, il dévalorise son passé pour s’enfoncer dans le culte d’un mythe progressiste de modernité.
L’Occident s’est trompé, quand il mis en place la globalisation afin de profiter des bas salaires chinois il a cru qu’il allait pouvoir « exploiter » la Chine, en faire son prolétariat et l’inscrire dans la spirale scélérate de l’Echange Inégal décrite par Samir Amin et cet occident imbécile a été pris à son propre piège: les autorités Chinoises sont sorties du Cercle de l’Echange Inégal, elles ont isolé leur système financier et monétaire, elles sont montées dans l’échelle de la valeur ajoutée, elles ont évité la constitution d’une Bourgeoisie compradore avec pouvoir politique, et elles on mis en place une politique de développement souveraine qui leur a permis de dépasser les USA et de rivaliser avec eux.
Le rattrapage chinois a été impulsé par les délocalisations américaines, les désindustrialisations, les importations, l’affaissement de la société américaine, la courte vue, l’appétit de consommation, l’absence d’épargne, bref il a été impulsé dialectiquement par ce que faute de produire, la société américaine a consommé. Et elle a acquis une mentalité de consommateur, exploitateur, jouisseur à qui tout est du.
Tout cela s’analyse classiquement en terme de dialectique de maitre et de l’esclave, le maitre devient dépendant de l’esclave à force de perdre le contact avec le monde réel, celui du travail.
Les Etats unis ont mis en branle le développement des forces productives chinoises et cette mise en branle produit toutes ses conséquences dans toute la chaine systémique; produits, production, organisation, institutions , conscience collective, culture, structures, superstructures etc etc
The Telegraph
J’ai vraiment ri à gorge déployée en lisant ce titre sur Oilprice.com vendredi matin : « La Chine est en train de gagner la course aux batteries de véhicules électriques à charge ultra-rapide », peut-on lire.
L’article porte sur la course à la mise au point d’une batterie de véhicule électrique susceptible de résoudre ce problème chronique particulier dans le secteur des voitures électriques , mais il aurait pu concerner à peu près n’importe quel aspect de cette course à la transition énergétique vers le zéro émission nette imposée par le gouvernement.
Qu’il s’agisse de véhicules électriques, d’énergie éolienne, d’énergie solaire, de production d’électricité, de fabrication, de traitement des minéraux ou de contrôle des chaînes d’approvisionnement pour à peu près tout, la Chine est bel et bien en train de « gagner la course ».
Jetez un œil à deux autres gros titres parus dans les médias cette semaine. Le premier est celui d’Energy Live News, qui rapporte : « Acier vert au Royaume-Uni : le passage aux fours électriques est repoussé jusqu’en 2032. » Oh.
De quoi s’agit-il, demandez-vous ? Eh bien, British Steel a fermé ses hauts fourneaux alimentés au charbon cette année, avec un plan pour les convertir à la technologie de l’arc électrique d’ici fin 2025. Un seul problème cependant : le réseau électrique national britannique affirme que l’incroyable capacité de production d’électricité nécessaire ne sera pas disponible avant 2032. La tendance inquiétante de cette transition énergétique est que, si une entité gouvernementale occidentale s’engage sur un objectif à l’horizon 2032, on peut parier qu’il sera révisé à 2040 ou même plus tard dans les années à venir.Publicité
D’ici là, les usines de British Steel – qui appartiennent désormais à un conglomérat chinois – auront été mises à l’arrêt depuis bien trop longtemps pour qu’on puisse espérer une renaissance grâce à l’électricité « verte » promise par National Grid. La désindustrialisation de l’économie britannique, autrefois puissante, reste donc gravée dans la pierre.
Un autre titre révélateur vient d’Allemagne, où une désindustrialisation rapide en vue d’atteindre le zéro émission nette est en cours depuis plusieurs années. Ce titre provient de Reuters : « Le groupe allemand Thyssenkrupp réexamine ses plans de production d’acier vert, les actions chutent », peut-on lire.
Ce titre est assez représentatif du contenu de l’article. Le vénérable géant industriel Thyssenkrupp avait prévu de convertir l’une de ses usines sidérurgiques alimentées au charbon en hydrogène vert. L’hydrogène serait sans aucun doute produit à l’aide de magnifiques éoliennes et panneaux solaires verts – dont la plupart seraient fabriqués en Chine, bien sûr – et tout cela serait vraiment sûr et abordable !
Sauf que ce n’est pas abordable, pas du tout. Reuters rapporte que la direction de Thyssenkrupp a suspendu l’avancement d’un projet d’investissement de 3,3 milliards de dollars dans un projet de réduction directe à base d’hydrogène parce que « le site de réduction directe prévu à Duisbourg pourrait coûter plus cher que prévu initialement ». Personne n’aurait pu prévoir cela !
Ainsi, une nouvelle usine sidérurgique située dans un ancien pays industriel européen est à l’arrêt. Pourtant, le monde, y compris l’Allemagne et le Royaume-Uni, a toujours besoin d’acier, aujourd’hui plus que jamais. Alors, où se trouvera la capacité de production d’acier ? En Chine, bien sûr. Les fourneaux de ce pays ne seront pas alimentés par de l’électricité verte ou de l’hydrogène, mais par du charbon. Car le charbon est le moyen le plus efficace et le moins cher d’alimenter les hauts fourneaux nécessaires à la production d’acier. La physique a toujours son importance.
Un autre titre récent en provenance du Royaume-Uni dit : « Le Royaume-Uni ferme sa dernière centrale électrique au charbon ». Ce titre du 30 septembre provient de CBS News et décrit à nouveau l’histoire elle-même : la dernière centrale électrique au charbon du Royaume-Uni a été fermée fin septembre, mettant fin à une époque où le gouvernement britannique s’efforce d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone.
Mais si le Royaume-Uni réduit effectivement ses propres émissions de dioxyde de carbone en procédant à une désindustrialisation radicale de son économie, cela signifie-t-il une réduction des émissions mondiales de carbone ? Non, car la Chine continue de construire plus de nouvelles centrales à charbon que le reste du monde réuni. Le gouvernement chinois donne la priorité à la sécurité énergétique plutôt qu’aux préoccupations concernant l’atmosphère, et il a besoin d’une capacité de production fiable et bon marché pour alimenter toutes les centrales industrielles dont il hérite de pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Ainsi, en désindustrialisant leurs propres économies, les pays occidentaux ne font que transférer leurs propres émissions de carbone – et leur puissance économique – vers la Chine. Le résultat final inévitable sera la soumission à la Chine.
Alors oui, la Chine est en train de gagner dans tous les domaines imaginables.
Arnaud Bertrand
Cet article est un bon exemple de conclusion correcte (la Chine est en effet en train de « gagner » dans la plupart des domaines) basée sur un raisonnement erroné : l’Occident ne se désindustrialise pas dans sa quête du « zéro émission nette », il se désindustrialise lui-même à cause de la cupidité, d’une géopolitique idéologique insensée et de l’orgueil.
L’Allemagne en est un bon exemple : ce qui motive sa désindustrialisation, c’est que son modèle économique était basé sur deux choses, l’énergie bon marché en provenance de Russie et le marché chinois.
Et une géopolitique insensée l’a amenée à rompre ses relations avec la Russie et elle est en train de faire la même chose avec la Chine, son plus gros client, qu’elle contrarie constamment pour des raisons idéologiques et parce qu’elle est soumise à des intérêts qui ne sont pas les siens.
Ou prenez les États-Unis : ce n’est pas le « zéro émission nette » qui a motivé sa désindustrialisation, mais l’impérialisme, la cupidité et l’orgueil. La croyance selon laquelle elle pourrait cesser de produire elle-même quoi que ce soit de concret, sous-traiter le travail à des pays à « main d’œuvre bon marché » qu’elle paierait en dollars américains qui lui seraient de toute façon retournés lorsque ces pays utiliseraient ces dollars pour financer le niveau de vie des Américains, alimenté par la dette.
Cela impliquait évidemment que tous ces pays soient soumis aux États-Unis, ce qui explique pourquoi elle a poursuivi une stratégie d’hégémonie militaire mondiale.
Cela a fonctionné jusqu’à ce que cela ne fonctionne plus et que des pays comme la Chine aient commencé, comme prévu, a) à remonter la chaîne de valeur au lieu de rester éternellement une « main d’œuvre bon marché » et
b) à refuser de changer leur système politique pour un système sous la coupe des États-Unis. Ce qui signifie que la Chine « gagne » parce que contrairement à l’Allemagne (et à la plupart des autres pays occidentaux), elle a insisté pour rester souveraine au lieu d’être soumise aux États-Unis, agissant de manière pragmatique dans l’intérêt de son peuple plutôt que dans celui de Washington.
Et contrairement à l’Amérique, elle ne s’est pas lancée dans un voyage insensé pour tenter de subjuguer les autres et de les convertir idéologiquement, mais s’est au contraire concentrée sans pitié sur son amélioration, en faisant des affaires avec tout le monde, quelle que soit son idéologie, et en ne dépensant absolument rien dans des aventures militaires à l’étranger.
Donc oui, la Chine gagne, mais non, ce n’est pas parce que l’Occident est « éveillé » ou quoi que ce soit, mais parce que son modèle historique d’hégémonie qui a fonctionné pendant 250 ans est désormais intenable dans un monde multipolaire.
Elle va maintenant devoir faire le travail difficile de s’améliorer de manière pragmatique et de comprendre les autres au lieu de les subjuguer. Elle ne l’a pas encore compris (comme l’illustre cet article), et encore moins commencé le travail, donc cela va prendre un certain temps…
EN PRIME
Source de l’article : https://telegraph.co.uk/news/2024/10/1 8/china- energy -industry-green-renewable-steel-power/ …
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